Autres études
URSANO R.J. HALES R.E.
A review of brief individual psychotherapies
Am. J. Psychiatry, vol 143, num 12, (1986):1507-1517
Traduction : Dr Jean-Michel THURIN ©
Résumé : Les auteurs présentent et différencient quatre psychothérapies psychodynamiques individuelles : focale, de provocation d’anxiété, en temps limité et à large champ. Ils résument également les techniques associées avec deux autres psychothérapies brèves qui s’appuient moins sur des techniques psychodynamiques : la thérapie interpersonnelle et la thérapie cognitive. Ils montrent que les différences entre les thérapies dans le tempo et le type d’interventions sont plus significatives que les différences dans leurs buts ou dans les aires de problèmes identifiés. Les auteurs discutent également les questions liées à l’éducation et au rapport coût/bénéfice associées avec les psychothérapies brèves et recommandent des études empiriques pour déterminer la thérapie brève la plus efficiente pour des troubles psychiatriques particuliers.
A la suite de la seconde guerre mondiale, l’intérêt pour la psychanalyse s’est exprimé dans une croissance rapide de la demande pour la psychothérapie, qui a accru la pression sur les psychiatres pour qu’ils développent des formes plus brèves de psychothérapie [1]. De plus, le mouvement de santé mentale communautaire des années 60 et 70 et, plus récemment, le coût croissant du soin en psychiatrie ont stimulé les efforts pour trouver des formes de psychothérapie plus brèves. Actuellement, la psychothérapie brève est une part nécessaire de la panoplie du psychiatre. Elle ne remplace pas la psychothérapie longue mais, plutôt, constitue une technique additionnelle disponible pour le psychiatre pour le traitement de patients et de maladies appropriées [2].
Sullivan a défini la psychothérapie comme étant d'abord un échange verbal entre deux individus : l'un est un expert, l'autre est quelqu'un qui recherche de l'aide. Ces deux individus travaillent ensemble sur les problèmes de vie du patient avec l'espoir d'obtenir des changements comportementaux [3].
Toutes les psychothérapies, y compris la psychothérapies brève, prennent en compte l’importance de facteurs curatifs non spécifiques dans l’anticipation leur résultat. Ces facteurs : l’abréaction, une information nouvelle et les expériences de succès - guident toutes les formes de traitement médical dans lesquels les cliniciens s’efforcent d’accroitre la probabilité que les patients puissent vivre une réduction de leur douleur et de leur souffrance [4]. Cependant, la psychothérapie brève, comme la psychothérapie à long terme et la psychanalyse, identifie également des interventions techniques spécifiques et des procédures dirigées vers un changement comportemental qui se situe au dessus et au delà de ceux qui sont causés par des facteurs curatifs non spécifiques.
La psychothérapie brève se distingue des traitements à long terme par les limites de temps situées sur l'activité. La limite de temps dans la psychothérapie brève donne des caractéristiques uniques au traitement et le distingue de la psychothérapie longue et de la psychanalyse [5, 6].
Bien que la psychothérapie soit souvent décrite comme commençant dès que le médecin voit le patient, cette hyperbole est utilisée pour insister sur l’importance des éléments interpersonnels et de transfert dans la séance initiale. En fait, il est extrêmement important de distinguer les entretiens diagnostics du démarrage du traitement et d’inclure la possibilité d’une prescription d’“absence de besoin de traitement” [7]. Les interventions et les procédures techniques réalisées durant la phase d’évaluation sont substantiellement différentes des aspects techniques du processus psychothérapique. Durant l’évaluation, le médecin doit considérer l’interaction du diagnostic du patient, de la force du moi, de la santé physique et d’autres critères de sélection et les différentes options de traitement [5, 8]. A travers la négociation avec le patient, une décision de traitement est atteinte et la psychothérapie commence. De nombreux patients ne le font pas au moment de la phase d’évlaluation de la recherche d’aide [9]. La psychothérapie brève n’est pas la panacée pour cette populaton de patients, et il est maladroit de les considérer comme ayant étés en psychothérapie brève. Clairement, certains patients “sortis” bénéficient de leur court contact avec des professionnels de la santé mentale [10] - certains à travers les facteurs non spécifiques curatifs de la recherche d’aide et d’autres à travers l’intervention de guidance et de crise. De plus, beaucoup peuvent interrompre parce qu’ils n’avaient pas reçu ce qu’ils attendaient.
Dans ce texte, nous examinons la psychothérapie brève à partir de la perspective des critères de sélection du patient, de la technique et de la durée du traitement. Quatre psychothérapies brèves sont examinées : focale, de provocation de l’anxiété, en temps limité et à large champ. Les psychothérapies individuelles qui s’appuyent moins sur des techniques psychodynamiques - la psychothérapie interpersonnelle et la thérapie cognitive - sont également rapidement résumées. Enfin, les questions d’éducation et de rapport coût/bénéfice sont discutées.
Le travail de David Malan a été influencé par Michael Balint, avec lequel il travaillait dans la Tavistock Clinique de Londres. La thérapie focale s’est développée à partir de leurs ateliers ; c’est un exemple de psychanalyse appliquée [11]. Malan [12-14] s’est appuyé de façon significative sur le travail précédent de Balint. Des tentatives antérieures pour développer des formes de psychothérapie psychanalytique brève ont inroduit d’abord l’usage de “l’activité”. Cependant Malan souligne l’importance de choisir et de maintenir une aire d’objectf étroite avec laquelle il faut travailler pendant une brève période de temps. Plutôt que d’accroître “l’activité”, ce qui est fréquemment assimilé à de la manipulation, Malan insite sur l’importance de “trouver le point central dont le patient souffre” et “d’approcher constamment le problème central avec uniquement une activité interprétative” [14]. A travers une attention sélective et une négligence du reste, le thérapeute maintient le point central et réalise une psychothérapie brève. L’importance de la détermination de ce point focal souligne la valeur du processus diagnostic qui précéde l’initiation de la psychothérapie, incluant l’évaluation psychodynamique du patient.
Malan identifie les facteurs suivants qui interviennent sur la durée du traitement : résistance, surdétermination, besoin de travailler en profondeur, les voies d’un conflit dans l’enfance précoce, le transfert, la dépendance, le transfert négatif lié à la fin de la thérapie et la névrose de transfert. De plus, certaines caractéristiques du thérapeute peuvent allonger le traitement. Elles incluent une tendance à la passivité, un sens du temps sans limite accordé au patient, un perfectionnisme thérapeutique et une préoccupation pour des expériences plus profondes et antérieures. Tous ces facteurs doivent être pris en compte pour maintenir une psychothérapie brève.
Pour Malan, identifier un conflit focal acceptable pour le patient est un aspect essentiel pour avoir un résultat positif. En plus, le patient doit avoir une capacité de penser en terme de sensation, démontrer une haute motivation et faire apparaître une bonne réponse aux essais d’interprétations réalisés durant la phase d’évaluation. Les patients qui ont fait des tentatives de suicide sérieuses, présenté une addiction à la drogue, ont eu une hospitalisation à long terme, plus d’une série d’ECT, un alcoolisme chronique, des symptomes obsessionnels sévères chroniques incapacitants, des symptomes pobiques sévères, ou d’importants passages à l’acte d’auto-destruction ou de violence sont exclus de la psychothérapie brève [13,14].
Le patient est également exclu de la psychothérapie focale si le thérapeute anticipe certaines aires de problèmes telles que celles qui suivent :
1. une incapacité de contact avec le patient
2. la nécessité d’un travail prolongé pour générer la motivation du patient
3. la nécessité d’un travail prolongé pour pénétrer des défenses rigides
4. une inévitable implication dans des questions complexes ou situées profondément
5. une dépendance sévère ou toute autre forme de transfert non favorable intense
6. une intensification anticipée de troubles dépressifs ou psychotiques.
Pour Malan, ces problèmes constituent des dangers spécifiques. Les numéros 1 à 3 réduisent la capacité de former une alliance thérapeutique de travail en une courte période de temps, les numéros 4 et 5 indiquent des difficultés potentielles au moment de la fin de la thérapie, et le numéro 6 est considéré comme une signal de danger d’un possible épisode dépressif ou psychotique durant le traitement. Ainsi, Malan prend au sérieux la limitation du temps dans la thérapie brève, qui requiert l’établissement rapide d’une alliance thérapeutique et une capacité de terminer le thérapie sans lque se développent des symptômes sérieux inattendus.
Malan, contrairement à d’autres praticiens, n’exclue pas nécessairment des patients avec des psychopathologies sérieuses. En fait, plusieurs des patients qu’il décrit montrent différents degrés de pathologie. Ol considère plutôt la balance entre la motivation et la focalisation comme de première importance [15]. Un patient avec seulement une motivation modérée, mais un conflit hautement focalisé pourra être accepté en traitment avec l’espoir que la clarification du point focal apparaîtra dans une courte période de temps.
L’identification des facteurs précipitants, des expériences traumatiques précoces ou de conduites répétitives peut conduire à l’aire d’un conflit interne présent depuis l’enfance et qui doit être le point central du traitement. La congruence entre le conflit actuel et le “noyau” ou le conflit de l’enfance devrait être évaluée par le thérapeute durant la phase d’évaluation. Les réponses du patient aux interprétations sur les aspects de ce conflit peuvent conduire à l’acceptation de l’entrée dans le traitement. Suivant Malan, plus la possibilité sera grande que le conflit se manifeste dans le transfert, plus le résultat sera positif. De plus, il a rapporté [14] que les interprétations de transfert étaient corrélées avec le changement de caractère et que ce changement de caractère se perpétuait de 2 à 10 ans plus tard.
Malan est moins concerné par la technique que par l’importante de choisir le point focal. Il emploie toutes les procédures techniques habituelles de la psychothérapie psychanalytique et insiste sur l’importance de faire des interprétations du transfert et d’une mise en relation des relations actuelles et passées. Ce “triangle du transfert” (le transfert, la relation actuelle et la relation passée) conduit à la restauration de la santé du patient. De plus, le but est de clarifier la nature de la défense, l’anxiété, et l’impulsion que le patient vit et de les lier au présent, au passé et au transfert. Une fois la défense et l’anxiété clarifiées, le lien au passé peut être fait. L’interprétation qui conduit au passé peut être vécue par le patient comme une réassurance à cause de son accent sur le fait que les conflits appartiennent au monde du fantasme plutôt qu’à celui du monde présent. Malan insiste sur le fait que les interprétations de transfert sont les interprétations les plus efficaces à cause de leur caractère d’ici et maintenant.
Dans l’unité de psychothérapie brève de la Tavistock Clinique, une limite de temps était presque toujours donnée. Pour ceux qui étaient en formation, ce nombre était généralement de 30 séances. Cependant, dans ses publications, Malan a indiqué une moyenne de 20 séances pour les patients avec des résultats favorables. Le temps plus long pour ceux qui étaient en formation leur donnait la possibilité de corriger leurs erreurs. Dans quelques cas publiés, la thérapie a été étendue à plus d’un an (46 séances). En général, Malan défend l’importance d’une date définie plutôt que d’un nombre de séances. Pour parler pratiquement, cela élimine le besoin pour le thérapeute et le patient de prendre en compte le nombre de séances et élimine les complications liées à la suite à donner aux séances que le patient a manquées. Une telle limite de temps donne un commencement défini, un milieu et une fin à la thérapie ; elle aide à concentrer le matériel du patient et le travail du thérapeute ; elle maintient le point central ; elle réduit la diffusion à laquelle peut conduire un travail au long terme.
Au même moment où David Malan entreprenait sa recherche à la Tavistock Clinique, peter Sifneos [16, 20] étudiait la psychothérapie brève au Massachussets General Hospital de Boston. Beaucoup des conclusions de Sifneos sont similaires à celles de Malan. Cependant, il existe quelques différences.
Sifneos insiste sur l’importance de la sélection du patient à cause de la nature de provocation d’anxiété de ses techniques de psychothérapie brève. Il distingue la thérapie provoquant l’anxiété de la thérapie supprimant l’anxiété, communément rapportée à une psychothérapie de soutien. Pour la psychothérapie brève de provocation d’anxiété, le patient doit avoir une intelligence au dessus de la moyenne et avoir eu au moins une relation significative avec une autre personne durant sa vie. Le patient qui a eu une telle relation sera capable de supporter l’angoisse produite par la thérapie et de developper une relation mature avec le thérapeute. Ce critère tend à exclure les patients présentant des troubles narcissiques. De plus, le patient doit être très motivé pour changer, pas seulement pour une réduction des symptômes. Le patient doit avoir une plainte principale spécifique. Sifneos demande au patient quelle est la plainte qui se situe au niveau de priorité le plus haut. La capacité du patient d’identifier une aire de conflit et de conserver une retenue par rapport aux autres est une indication de sa capacité de tolérer l’anxiété. Sifneos s’intéresse aux patients avec anxiété, dépression, phobies, conversion, et traits obsessionnels compulsifs modérés ou troubles de la personnalité impliquant des difficultés interpersonnelles bien identifiées.
Durant l’évaluation, le patient doit montrer une capacité d’interaction avec le psychiatre qui l’évalue, savoir exprimer ses sentiments et montrer une certaine flexibilité. La “motivation” est définie comme la capacité du patient de reconnaître la nature psychologique de ses symptômes, une tendance à l’introspection et une honnêteté par rapport aux difficultés émotionnelles, ainsi qu’une volonté de participer à la situation de traitement. En plus, la motivation inclut la curiosité, une volonté de changer, une volonté de faire des sacrifices raisonnables et une attente réaliste des résultats de la psychothérapie. Sifneos se concentre su le conflit oedipien et n’attend pas de bon résultat en s’occupant d’autres conflits. Sifneos demande au patient quelle est la plainte dont la priorité est la plus grande. La capacité d’identifier une aire de conflit et de travailler sur les autres est une indication de la capacité du patient de tolérer l’anxiété. Sifneos s’occupe de patients avec anxiété, dépression, phobies, conversion, et traits obsessionnels compulsifs moyens ou troubles de la personnalité impliquant des difficultés interpersonnelles bien délimitées. Durant l’évaluation, le patient doit montrer sa capacité d’interaction avec le psychiatre évaluateur, d’exprimer ses sentiments, et de montrer une certaine flexibilité.
Sifneos est l’un des quelques auteurs à clarifier leur évaluation de la motivation. Il définit la motivation comme la capacité du patient de reconnaître ses symptômes comme pathologiques, une tendance à l’introspection et une honnêteté par rapport aux dificultés émotionnelles, et une volonté de changer, de faire des sacrifices raisonnables, et une attente réaliste des résultats de la psychothérapie.
Sifneos se focalise sur le conflit oedipien et n’attend pas de bon résultat en travaillant sur d’autres aires. La majorité des échecs dans la psychothérapie brève avec provocation d’anxiété s’est produite chez des patients qui se plaignaient de dépression réactionnnelle après la perte de quelqu’un d’aimé. Sifneos pense que cet échec est dû aux origines “non triangulaires” (non oedipiennes) des sentiments ambivalents de certains patients. Dans de tels cas, quand les questions de la fin de la psychothérapie arrivent, les patients régressent et on arrive à une impasse.
Durant la phase initiale du traitement, le thérapeute doit établir un bon rapport avec le patient afin de créer une bonne alliance thérapeutique. Le thérapeute utilise des confrontations provoquant l’anxiété pour clarifier les questions qui concernent le patient à propos de sa vie précoce et du conflit actuel. L’utilisation de confrontations provoquant de l’anxiété dans une perspective d’attaque directe des défenses du patient distingue cette catégorie de psychothérapie des autres psychothérapies à court terme. Bien qu’il soit bien précisé aux patients durant leur évaluation qu’il est prévu que la psychothérapie ne durera que quelques mois, aucun nombre spécifique de séances n’est donné. Les séances se tiennent à une fréquence hebdomadaire et durent 45 minutes. La grande majorité des traitements durent de 12 à 16 séances, et aucune ne va au delà de 20 séances. Le style aggressif confrontationnel du traitement souligne l’importance de l’exclusion des problèmes pré-oedipiens et l’importance des réactions de contre-transfert liées au fait d’être agressif.
James Mann se concentre sur la limitation spécifique du temps dans la psychothérapie brève. Mann [21, 24] voit la variable de temps comme un facteur opérant spécifique dans la psychothérapie, ainsi qu’un élément de son effet curatif. L’expérience de l’absence de temps du traitement et l’expérience de la terminaison du traitement sont des éléments importants dans la perspective de Mann du processus psychothérapique.
Dans la psychothérapie en temps limité, il y a habituellement deux à quatre séances d’évaluation avant de commencer la psychothérapie. Mann limite la psychothérapie à un total de 12 heures de traitement, distribuées suivant les besoins du patient. Cela peut se dérouler sous la forme de séances hebdomadaires d’une demi-heure pendant 24 semaines ou de séances d’une heure deux fois par semaine pendant 6 semaines. En pratique, cependant, presque tous les patients sont vus une fois par semaine, pour des séances de 45 ou 50 minutes pendant 12 semaines. Mann admet avoir choisi le nombre 12 d’une façon assez arbitraire ; cependant, son expérience clinique indique qu’un nombre de séances se situant entre 10 et 14 est suffisant. Mann insiste sur l’importance d’un nombre uniforme de séances pour évaluer le processus psychothérapique. Dans cette voie, la relation entre les problèmes qui se présentent chez les patients et la technique psychothérapique peut être étudiée plus facilement. Aussi, la détermination d’un nombre spécifique de séances peut être mieux acceptée par le patient, comme une “prescription” médicale typique. Enfin, le cadre d’une dernière séance spécifique dans le contrat avec le patient permet à la thérapie d’avoir un début, un milieu et une fin qui sont clairs.
Mann, jusqu’à un certain point, minimise la sélection comme étant une question centrale de la psychothérapie brève. Il indique un certain nombre de critères d’exclusion : dépression sérieuse, psychose aiguë, organisation borderline de la personnalité, et l’incapacité d’identifier une question centrale. Mann voit les critères de Sifneos comme excluant en premier lieu les patients borderline. Il n’est pas d’accord avec l’accent mis par Sifneos sur l’enseignement supérieur ou la performance au travail.
Dans une publication plus récente et en contraste avec un travail précédent, Mann et Goldman [24] ont étendu les critères de sélection en insistant sur l’importance de la force du moi du patient mesurée par la performance antérieure au travail et les relations anciennes. Les patients qui ont de la difficulté à s’engager et à se désengager rapidement du traitment sont exclus. Cela concerne les patients schizoïdes, certains patients obsessionnels, certains patients narcissiques et certains patients dépressifs qui ne sont pas capables de former rapidement une alliance thérapeutique, ainsi que certains patients avec des troubles psychosomatiques qui ne tolèrent pas facilement la perte.
Selon Mann, la sélection de la question centrale de la thérapie est l’événement essentiel. C’est le véhicule à travers lequel le patient est engagé dans le travail de thérapie et celui dont dépend le succès du résultat. Mann recherche une question centrale qui est significative au niveau développemental et d’adaptation et qui a été récurrente dans le temps. Il décrit cette question comme “la souffrance présente et endurée de façon chronique par le patient” et la caractérise comme un élément préconscient. Mann [23] décrit ultérieurement la question centrale comme incluant une image particulière du self. La question centrale formulée en termes de temps, d’affect, et d’image du moi est “le paradigme du transfert” que l’on s’attend à voir émerger au cours du traitement. L’établissement du thérapeute de la question centrale est une clarification qui peut être aisément reconnue et intégrée par le patient. La psychothérapie en temps limitée est engagée avec l’objectif de résoudre cette douleur présente et chrnonique et “l’image de soi” négative. Le thérapeute situe la question centrale au patient en terms d’un état général à propos des sentiments.
Mann décrit en détail la façon de formuler au patient la question centrale. Dans cette formulation, le contrat thérapeutique et le but de la thérapie sont spécifiés. Dans le cas d’une femme déprimée de 41 ans qui était préoccupée d’être même une minute en retard avec son mari et ses parents, Mann et Goldman [24] suggèrent la question centrale suivante : “Vous avez rencontré des situations de vie extrêmes et les avez gérées remarquablement bien ... maintenant vous craignez et vous avez toujours craint qu’en dépit de tous vos efforts vous puissiez tout perdre”. Chez un homme marié de 31 ans essayant d’obtenir un diplôme de collège qui était envisagé avec une peur d’échouer, ils suggèrent la question centrale : “Comme il y a eu un certain nombre d’événements soudains et très douloureux dans votre vie, les choses vous semblent toujours incertaines, et vous êtes excessivement nerveux parce que vous n’attendez rien qui puisse se passer bien. Les choses sont toujours incertaines pour vous”.
Manns emploie les techniques de psychothérapie psychanalytiques classiques : analyse des défenses, interprétation du transfert, et reconstruction génétique. Le transfert est interprété à partir l’aire de conflit centrale identifiée et dans les termes des processus adaptatifs du patient. Cependant, il ne confronte pas le patient. En général, ses interventions sont très proches du matériel conscient fourni par le patient. Mann identifie les événements dynamiques spécifiques qui se sont produits durant les 12 séances. Les séances d’ouverture sont comprises comme représentant “une onde d’attentes magiques inconscientes” que les douleurs anciennes vont maintenant être résolues. Durant la phase initiale le thérapeute fait peu de commentaires et accepte le transfert positif du patient. Des aspects importants du problème actuel, des mécanismes de défense, des modes d’ajustement et des aspects génétiques de la question centrale deviennent plus clairs durant cette phase. Durant les quatre séances du mileiu, la résistance va probablement apparaître, ainsi que le transfert négatif. le patient commence à faire l’expérience de la frustration que tous les changements qu’il attendait peuvent ne pas se produire. Durant la dernière phase du traitement, la terminaison et les résistance du patient à son encontre devant l’existence de problèmes non résolus dans d’autres domaines de la vie sont proéminents.
Mann voit l’importance de se confronter à la séparation et aux questions de la terminaison comme essentielles pour le succès de la psychothérapie brève. Fréquemment, le patient révèle inconsciemment que la milieu du traitement est venu. Le patients fait l’expérience de la séparation du thérapeute investi par le transfert comme une séparation d’une personne vécue de façon ambivalente dans le passé, sans avoir atteint la résolution magique fantasmée. Le but est de permettre au patient de se séparer du patient investi par le transfert de façon moins ambivalente qu’il l’a fait antérieurement pour la figure importante. En conséquence, la résolution de la question centrale et la prise en charge d’un processus d’attachement séparation dans le contrat du traitement en douze séances sont intimement associés au développement et à l’interprétation du transfert.
Habib Davanloo [25-27] écrit à propos de la psychothérapie dynamique brève à large focus. Ses critères de sélection incluent les patients avec une problématique oedipienne, de séparation, et multiple [25-28]. Davanloo est particulièrement intéressé par les patients souffrant de névroses obsessionnelles et phobiques chroniques. Ses données de recherche indiquent que 30 à 35% de la population psychiatrique ambulatoire souffrant de troubles psychiatriques peut bénéficier de ce mode de traitement. Malheureusement, le travail de recherche de Davanloo n’a pas été publié de façon systématique. La plupart de l’information à propos de sa technique est dérivée de la publication de présentations de cas et des brèves descriptions de sa recherche qui l’accompagnent.
L’évaluation initiale est un entretien spécifique, focalisé, dans lequel les défenses du patient contre “de véritables sentiments” sont “abordées gentiment mais sans répit”. Davaloo dit qu’il ne s’agit pas d’une technnique universelle pour le premier entretien et qu’il faut faire attention à son usage avec des patients souffrant d’une grave psychopathologie. La sélection est basée sur une réflexion psychologique, la qualité de la relation interpersonnelle du patient, et, en particulier, la présence d’au moins une relation significative dans le passé du patient. La capacité du patient de tolérer l’anxiété, la honte, et la dépression est importante. Le patient doit être motivé pour terminer le processus thérapeutique et pour résoudre les problèmes névrotiques. La capacité du patient de répondre à une interprétation est un critère important de sélection. En particulier, la réponse aux interprétations de transfert qui lient le transfert avec le présent et le passé est un trait essentiel dans l’évaluation de la psychothérapie dynamique brève à large focus. Davanloo n’attribue pas de valeur aux critères basés sur la sévérité et la durée de la maladie. Finalement, la présence d’une flexibilité dans le pattern défensif du moi et l’absence d’utilisation de défenses primitives de projection, clivage et déni sont de facteurs importants dans la sélection des patients. Davanloo souligne que le thérapeute devrait avoir les réponses aux questions suivantes à la fin de la procédure d’évaluation :
1. Quelle est la structure névrotique centrale du problème du patient ?
2. Est-ce que le patient répond aux interprétations ?
3. Est-il possible de faire des liens entre le présent et le passé ?
4. Est-ce que le patient répond d’une façon significative à celui qui fait l’entretien ?
5. Est-ce qu’il y a eu quelques relations significatives dans le passé ?
6. Est-ce l’histoire du patient indique une capacité de se confronter au processus de la psychothérapie sans s’exposer à de sérieux effets adverses, tels qu’une décompensation psychotiqque ou un suicide ?
7. Est-ce que le patient est motivé pour s’examiner et s’engager dans un processus non déterminé ?
La technique de Davanloo utilise la psychothérapie comme une continuation de celle utilisée dans l’entretien initial. L’expérience émotionnelle du patient dans le transfert est soulignée. Le patient est “gentiment mais fermement” confronté à ses défenses contre ses sentiments dans la relation de transfert et dans le passé. Toutes les techniques habituelles de la psychothérapie psychanalytique sont utilisées : analyse des défenses, interprétation du transfert, et reconstruction génétique. Les rêves et le matériel des fantasmes sont également utilisés. Les interprétations du transfert ont tendance à être utilisées précocément. A cause du style de confrontation, une solide alliance thérapeutique est nécessaire. Les patients font souvent l’expérience de sentiments hostiles, de colère envers le thérapeute parce qu’ils y sont confrontés. Davanloo recherche activement les défenses du patient contre la reconnaissance de la colère et de ses éléments de transfert. Davanloo met en garde les thérapeutes du risque que les patients ayant des caractères passif-dépendant et obsessionnel puissent développer une relation de transfert symbiotique. Cela peut être évité à partir d’une confrontation active et une sélection des patients. La confrontation active des défenses et les interprétations préoces du transfert tendent à mobiliser de puissants affects et des souvenirs précocément dans le traitement.
Davanloo recommande de 5 à 40 séances, selon l’aire de conflit du patient (oedipienne versus multiples focus) et d’autres critères de sélection. En général, ses traitements durent de 15 à 25 séances. Il ne recommande pas de situer une date de terminaison spécifique, mais plutôt de dire clairement au patient que le traitement sera court. Des périodes de temps plus courtes ( de 5 à 15 séances) sont choisies pour des patients avec un conflit essentiellement oedipien, des durées plus longues (de 20 à 40 séances) pour des patients plus sérieusement atteints.
Malan, Sifneos, Mann et Davanloo montrent un chevauchement substantiel dans leurs buts, critères de sélection, technique et durée du traitement. Ces auteurs tendent à être en accord avec Bennett [29], qui ont décrit les buts de la psychothérapie brève comme une façon de faciliter les comportements de recherche de santé et une réduction des obstacles à une croissance normale. A partir de cette perspective, la psychothérapie brève se concentre sur le développement continu du patient durant la vie et l’apparence de relation au contexte du conflit, dépendant de l’environnement, des relations interpersonnelles, de la santé biologique et du stade de développement. Ce tableau de la psychothérapie brève soutient des buts modestes qui requièrent des thérapeutes de réfréner leur perfectionnisme [29]. Malan, Sifneos, Mann et Davanloo semblent aussi être d’accord avec la différence de Stierlin entre l’usage de la psychothérapie brève du “moment propice” et l’utilisation du traitement à long terme d’un “passé partagé” entre le thérapeute et le patient [30]. Le “moment propice” et le “passé partagé” comportent des avantages et des désavantages psychothérapiques, renforçant certaines possibilités techniques et en limitant d’autres.
Bien des critères de sélection soulignés par les quatre auteurs discutés ici sont communs à toutes sortes de psychothérapies psychodynamiques. cependant, des critères de sélection spécifiques sont requis à cause de la durée du traitement. Les patients en psychothérapie brève doivent être capables de s’engager rapidement avec le thérapeute, de terminer la psychothérapie dans une période de temps courte et de soutenir et de généraliser beaucoup des effets du traitement de leur propre compte. La nécessité d’une plus grande indépendance d’action par le patient demande de hauts niveaux de force du moi, de motivation et de capacité de réponse à l’interprétation. L’unique insistance de Sifneos sur l’intgellignece comme critère doit être mise en relatoin avec les interprétations provoquant de l’anxiété, qui requièrent un contexte d’éducation plus large afin d’être compris. L’importance d’un établissement rapide de l’alliance thérapeutique soustend une nombre substantiel des critères d’inclusion et d’exclusion.
L’importance centrale d’un point focal dans la psychothérapie brève est mentionnée par les quatre auteurs. Ils insistent également sur l’importance des séances d’évaluation pour déterminer ce focus. Mann formule le focus au patient dans les termes des peurs et de la souffrance du patient. Cependant, Mann serait probablement d’accord avec Malan, Davanloo et Sifneos à propos de l’importance de construire l’objectif psychodynamique à un niveau plus profond du travail qui doit être fait. Maintenir l’objectif est la première tâche du thérapeute. Cela permet au thérapeute de se débrouiller avec des structures de personnalité compliquées dans une brève période de temps. La résistance est limitée à une “négligence bénigne” de quelques troubles potentiels mais à des aires non centrales de la personnalité. L’élaboration de techniques d’établissement et de maintien de l’objectif du traitement est essentielle pour toutes les psychothérapies psychodynamiques individuelles [31,32].
Les quatre auteurs discutent également l’importance des interprétations de transfert. Cependant, la manière et la rapidité avec laquelle le transfert est pris en compte varie considérablement. Malan prend une approche psychanalytique plus typique d’attente que le transfert devienne résistance avant qu’il soit interprété. Sifneos, dans l’accent qu’il met sur le complexe d’Oedipe, est plus agressif dans la saisie des aires conflictuelles profondes du matériel de transfert. Ce style de confrontation peut à certains moments mélanger l’expérience du patient du thérapeute réel et dans le transfert. Cependant, le focus de Davanloo sur le traitement de troubles obsessionnels sévères, où le besoin “d’éveil de l’affect” est élevé, est peut-être le lieu où la technique particulière est la plus utile. Les sentiments agressifs, de compétition et hostiles qui resteraient autrement fermement défendus peuvent ainsi devenir disponibles pour ces patients.
La découverte de Malan de l’importance de faire le lien du transfert avec le parent pour le succès du résultat du traitement est substantiel et requiert une exploration plus profonde [33, 35]. Une réanalyse [36] des données de Malan a confirmé sa découverte. En plus, une réplication de cette découverte a été publiée [37]. Des mesures de l’alliance téhrapeuteique, en particulier à partir de la perspective du patient, se sont révélées contribuer au résultat, généralement de façon modeste [38, 39]. Husby et al [40, 42], en tentant de répliquer le travail de Malan, ont trouvé que la capacité du patient de relater à une autre personne était corrélée avec le résultat à 2 et 5 ans après la terminaison du traitement. Les changements dynamiques évidents à 2 ans étaient également présents au delà de 5 ans.
Les études de Strupp et Binder d’étudiants de collège en psychothérapie brève [43, 45] tendent à confirmer l’importance des variables d’interaction. ils sont trouvé que la qualtié de l’interaction thérapeutique et de la prise en main du transfert et du contre transfert étaient essentiels au succès ou à l’échec du traitement. Leurs études indiquent que les patients traités par des thérapeutes non professionnels, sont en moyenne autant améliorés que les patients traités par des thérapeutes professionnels. Cependant, Strupp et Hadley [46, 47] ont trouvé que les thérapeutes non expérimentés sortaient du matérile significatif et refusaient rapidement de traiter les patients au delà d’une certaine période de temps. Une des tâches de la formation en psychothérapie les plus importantes pourrait être le développement d’une capacité “d’endurance” avec le patient et, sur le temps, avec un certain nombre de patients. La formation technique et un cadre thérorique peuvent permettre au thérapeute de maintenir un sens de la compétence, une direction et un intérêt dans le travail que le non professionnel ne peut maintenir.
Le rôle du contre transfert dans la psychothérapie brève est aussi compliqué qu’il l’est dans le traitement à long terme. Les questions sur le contre transfert liées aux techniques agressives utilisées par Sifneos et Davanloo ont déjà été examinées dans cette publication. Les expériences de contre transfert relatives à la fin de la psychothérapie et à la séparation sont également déterminantes [48]. Les techniques dirigées vers un but de la psychothérapie brève limitent le développement de réponses contre transférentielles régressives [49].
Il existe un accord remarquable sur la durée de la psychothérapie brève. Bien que la durée s’étende de cinq à 40 séances, les auteurs soutiennent généralement des durées de 10 à 20 séances. La durée du traitement est associée de façon très importante au maintien de l’objectif dans la psychothérapie brève. Shlien et al [50] ont trouvé dans la thérapie Rogérienne une corrélation entre le nombre de séances et la guérison. En général, ils ont rapporté un résultat de succès croissant (mesuré par le concept de soi du patient) au delà de 20 séances. Quand le traitement s’étend au delà de vingt séances, le thérapeute peut se trouver entrainé dans une vaste analyse de caractère sans conflit focal. Le changement après vingt séances peut être tout à fait lent. L’expérience clinique soutient l’idée que, généralement, la psychothérapie brève psychodynalique individuelle devrait se situer entre 10 et 20 séances, à moins que le thérapeute ne veuille condure un traitement long de plus de 40 à 50 séances.
Bellak [51] a décrit l’usage de la psychothérapie psychodynamique brève pour la dépression, et Lazarus [52] pour les troubles narcissiques. Ces auteurs ont tenu un rôle important en décrivant les techniques les plus efficaces pour des catégories diagnostiques spécifiques. Horowitz et al [53, 54] ont décrit une psychothérapie brève focalisée sur les réponses de stress perçues par des individus avec des styles de personnalité variés. Ils ont insisté sur le fait que la psychothérapie est dirigée vers la gestion du processus de la réponse de stress et pas vers le changement du caractère. Cependant, leurs résultats indiquent que des changements de caractère sont possibles dans certains domaines. La distinction entre la récupération d’une interruption dans la balance homeostatique, la reconstitution de l’estime de soi et de la représentation de soi et les changements dans la structure du caractère requière une exploration plus large.
L’identification de points critiques durant la psychothérapie brève quand le “danger” de sa transformation en psychothérapie longue est plus aigu devrait ultérieurement clarifier la technique de prise en main de la psychothérapie brève. Amada [55] a identifié les phénomènes qui apparaissent de façon caractéristique dans l’intervalle entre le traitement bref et le traitement long. Il a noté une augmentation du caractère général des buts du traitement, une réduction de l’activité du thérapeute, et l’émergence du transfert comme un élément central. Ces variables indiquent la potentialité de la psychothérapie brève de devenir un traitement long. Prelinger (manuscrit non publié de 1975) a identifié la quatrième à sixième heure d’une psychothérapie hebdomadaire comme un moment ou une régression active ou potentielle peut apparaître soudainement. Le patient à ce moment teste les fondements du traitement. L’action du thérapeute si la psychothérapie doit rester exactement ce qu’elle est : brève. L’étude d’interventions techniques qui se produisent à ces moments critiques devrait ultérieurement élucider la prise en main technique d’une régression limitée dans la psychothérapie psychodynamique brève.
La psychothérapie interpersonnelle brève a été développée par Klerman et al [56, 57]. La thérapie interpersonnelle est brève - d’une durée de 12 à 16 semaines - et se concentre sur les problèmes interpersonnels courants chez des patients ambulatoires présentant une dépression non bipolaire, non psychotique. La psychothérapie interpersonnelle a été la modalité psychothérapique majeure utilisée dans les études de traitements combinés psychothérapique et médicamenteux. La psychothérapie interpersonnelle dérive de l’école interpersonnelle de psychiatrie qui s’est constituée avec Adof Meyer et Harry Stack Sullivan. La compréhension du soutien social et de l’attachement fournit une base théorique pour cette forme de psychothérapie. La psychothérapie interpersonnelle se concentre sur la réassurance, la clarificaton des états de sentiments, l’amélioration de la communication interpersonnelle, l’analyse de la perception et des outils interpersonnels, plutôt que sur la reconstruction de la personnalité.
La psychothérapie interpersonnelle a été initialement utilisée dans le traitement des patients déprimés. Dans la phase de début de la psychothérapie interpersonnelle, une histoire détaillée des symptômes est construite, en général au moyen d’un entretien structuré. Les symptômes sont repris avec le patient, auquel est donné une information explicite sur le cours naturel de de la dépression, comme condition clinique. L’accent est mis sur la légitimation du patient dans le rôle du malade. Une seconde tâche majeure de cette phase est l’évaluation de l’aire des problèmes interpersonnels. Quatre aires de problèmes font l’objet d’une analyse systématique : la réaction de deuil, les disputes interpersonnelles, le changement de rôle et les déficits interpersonnels. Chacune de ces aires est considérée comme pouvant être reliée à la dépression. La phase moyenne du traitement est dirigée vers la résolution de la ou des aires de problèmes. Le focus est maintenu sur les dilemnes actuels, et non pas sur les relations interpersonnelles passées. Les événements interpersonnels plutôt que les événements intrapsychiques ou cognitifs constituent l’axe central de la psychothérapie interpersonnelle.
Une partie importante de la psychothérapie interpersonnelle est basée sur la théorie psychodynamique. L’application du principe de “travailler de la surface vers la profondeur” a pour résultat que la psychothérapie interpersonnelle ressemble beaucoup à la psychothérapie psychodynamique. Cependant, Klerman et al ont trouvé utile d’éclairer les différences entre ces approches de façon à standardiser une technique psychothérapique. Les essais cliniques collaboratifs ont démontré l’avantage du maintien de la psychothérapie interpersonnelle dans le renforcement du fonctionnement social durant la guérison de la dépression et dans la réduction des symptômes et l’amélioration du fonctionnement durant la phase aigue d’un épisode dépressif. Ces effets requièrent 6 à 8 mois pour devenir apparents et n’apparaissent pas durant les 4 premiers mois de traitement. Les patients recevant à la fois des médicaments et une psychothérapie ont les meilleurs résultats [58, 59].
La thérapie cognitive a été développée et finalisée par Aaron Beck et al [60, 62] et A. John Rush [63, 64]. La thérapie cognitive est une psychothérapie brève dans laquelle des cognitions spécifiques (pensées ou images) ou des schémas (conceptions du silence) participent à la survenue et la persistance de symptômes. La première partie du traitement est dirigée vers la réduction des symptômes (souvent la dépression et l’anxiété) qui sont dérivés de telles cognitions. Ce résultat est obtenu en faisant reconnaître et enregistrer par le patient les cognitions et en lui apprenant à developper de nouvelles cognitions qui ne produiront pas des effets dysphoriques. Dans la phase ultérieure du traitement, le focus se situe au niveau de l’identification et de la modification des croyances silencieuses ou les schémas qui déterminent le contenu des cognitions.
Trois concepts importants sont définis dans la thérapie cognitive. Les cognitions sont des pensées ou des images qui sont immédiatement introduites à la conscience quand une personne est confrontée avec une situation. Comme Rush [64] l’a souligné, les cognitions “sont ce qu’une personne pense dans une situation donnée”, et non pas ce qu’elle pense à propos de la situation. Les cognitions jouent un rôle direct dans les affects et le comportement. Les schémas sont des assomptions silencieuses dérivées de l’expérience précoce de l’enfant qui déterminent le contenu des cognitions employées dans certaines situations. Les schémas forment la base de la façon dont on évalue, catégorise et distord les expériences. Les erreurs logiques sont les conséquences de cognitions négatives. Ce sont les inférences incorrectes ou les conclusions tirées des événements. Les erreurs logiques incluent la personnalisation (donner une signification personnelle à un événement neutre), l’attention sélective (ignorer les aspects positifs d’une situation), la généralisation abusive, l’amplification et d’autres [62]. Les situations peuvent conduire une personne à formuler des cognitions qui reflètent des vues négatives de soi, du monde ou du futur ; elles sont dérivées de schémas. Les cognitions négatives conduisent au développement de symptômes et à des erreurs logiques, qui peuvent ultérieurement conduire à une distorsion de la situation et intensifier les symptômes.
Dans les étapes précoces des thérapies cognitives, les objectifs pour les patients sont 1) de prendre conscience de vues stéréotypées qui sont attribuées aux situations et 2) de reconnaître et de corriger ces vues pour se conformer à une réalité plus objective. Dans les stades ultérieurs, les objectifs pour les patients sont 3) l’identification des schémas, 4) le développement et l’applicaton de nouvelles réponses cognitives aux situations, et 5) la génération de nouveaux schémas et leur application aux situations actuelles et anticipées. Le thérapeute guide le patient à travers une multitude d’expériences diverses afin d’enseigner au patient à reconnaître des cognitions dysfonctionnelles et à l’aider à développer des conduites plus adaptatives de pensée et de se comporter.
La thérapie cognitive est indiquée pour les patients capables de former une relation thérapeutique dans une période de temps brève. Un certain nombre de critères développés par Sifneos, Malan et Davanloo discutés plus haut dans cette publication sont applicables aux thérapies cognitives. Les patients qui sont actuellement psychotiques (schizophrénie, troubles bipolaires, dépression majeure avec traits psychotiques, troubles schizoaffectif, et autres), qui présentent de sévères déficits cognitifs ou de la mémoire (à partir d’une varité de troubles mentaux organiques), ou qui ont un trouble de la personnalité borderline ne répondent pas habituellement au traitement [65].
La thérapie cognitive a été utilisée pour traiter un large échantillon de troubles psychiatriques : les troubles anxieux généralisés, les troubles phobiques, l’obésité, l’addiction alcoolique et à la drogue, et la dépression. Cependant, elle a été utilisée avec succès le plus souvent pour traiter des patients avec des dépressions relativement aigues, non psychotiques, d’intensité moyenne à modérée [66]. L’utilisation de la thérapie cognitive seule dans la dépression avec des traits endogènes et mélancoliques n’a pas été correctement étudiée pour déterminer son efficacité [65]. Les patients avec un diagnostic de dépression majeure secondaire à un trouble physique répondent souvent bien aux techniques cognitives. Ceux qui ont des syndromes affectifs organiques secondaires à des traitements médicamenteux ou des maladies physiques ne le font pas.
Les patients avec des dépressions modérées à sévères sont vus deux fois par semaine pendant quatorze séances. Si la réduction signiticative des symptômes n’est pas obtenue à la fin des 7 semaines, une modification du traitement pour inclure l’addition d’antidépresseurs tricycliques doit être envisagée. Les patients avec des dépressions moyennes à modérées peuvent bénéficier de séances uniquement hebdomadaires. Suivant le traitement aigu, le clinicien peut conserver le patient pour un traitement de maintien une à deux fois par mois pendant 6 à 12 mois pour consolider les gains thérapeutiques et réduire la probabilité de rechute.
Du fait que les psychothérapies cognitive et interpersonnelle sont issues du modèle psychodynamique (67-70), il existe un haut degré de recouvrement des aires de problème identifiées chez un patient donné. La conceptualisation du problème est cependant différente ; à de nombreux niveaux elle est complémentaire plutôt que mutuellement exclusive. La psychothérapie cognitive se focalise sur la pensée du patient, la psychothérapie interpersonnelle sur les relations interpersonnelles du patient et ses soutiens sociaux, et les psychothérapies psychodynamiques sur l’expérience interne du patient et sa relation à l’expérience passée. Les psychothérapies cognitive et interpersonnelle sont l’une et l’autre plus fréquemment rapportées dans le traitement de la dépression que comme traitement d’une étendue entière de psychopathologie. A notre connaissance, aucune étude utilisant des psychothérapies psychodynamiques bien définies et des médicaments n’a été réalisée. Dans ce domaine, la psychothérapie interpersonnelle et la psychothérapie cognitive ont été plus précisément étudiées.
En pratique, la psychothérapie cognitive est similaire à l’analyse des défenses dans les psychothérapies psychodynamiques. La compréhension des défenses centre l’attention du patient et du thérapeute au niveau des distorsions cognitives cachées qui résultent de la perception erronnée à la fois du monde interne et du monde externe. Dans le modèle dynamique, les mécanismes de défense sont dirigés vers le contrôle de l’anxiété résultant du conflit. Les défenses, cependant, ont pour résultat des distorsions de la perception et de la cognition similaires à celles qui constituent le centre de la psychothérapie cognitive. Dans la psychothérapie cognitive, les cognitions sont vues comme l’agent causal de la détresse du patient. Beaucoup du travail d’identification de ces cognitions et d’en informer le patient est similaire à la compréhension et à l’interprétation des défenses dans les psychothérapies psychodynamiques brèves. Le schéma sous-tendant les fausses cognitions de la psychothérapie cognitive concerne des croyances inconscientes que le modèle psychodynamique voit comme dérivées de l’expérience précoce. Les deux traitements insistent sur l’importance de l’identification de ces modes inconscients de comportement et les font connaître au patient. Dans la mesure où une psychothérapie psychodynamique se concentre sur l’expérience ici-et-maintenant du patient plutôt que sur la recontruction de l’expérience passée, la similarité de la psychothérapie cognitive s’accroît. Fréquemment, la compréhension d’une modalité défensive utilisée par le patient pour manier un conflit qui survient peut être le point final d’une psychothérapie brève psychodynamique bien conduite. Dans un tel cas, le résultat de la psychothérapie brève cognitive et psychodynamique devrait être quasi similaire.
La psychothérapie interpersonnelle est la plus étroitement reliée à la perspective psychodynamque des relations d’objet : la compréhension des objets internes repose sur la compréhension des relations interpersonnnelles actuelles du patient, incluant la relation avec le praticien. Les psychothérapies interpersonnelle et psychodynamique se concentrent l’une et l’autre sur les identifications et le transfert que la psychothérapie interpersonnelle définit comme “des modèles passés de relations”. En plus, la psychothérapie interpersonnelle est particulièrement attentive au retrait et au détachement, aires qui seraient rapportées à des défenses dans le modèle psychodynamique et à des cognitions erronnées dans le modèle cognitif. La psychothérapie interpersonnelle identifie les événements interpersonnels plutôt que les événements intrapsychiques ou cognitifs. Cela signifie fréquemment que bien que l’attention du thérapeute interpersonnel soit dirigée vers la même aire de troubles que celles des psychothérapeutes cognitif ou psychodynamique, le “problème” identifié - déficits interpersonnels, cognitions erronnées, ou conflit intrapsychique - est différent.
Les différences parmi les psychothérapies brèves dans leurs interventions sont à certains moments plus distinctes que les différences dans leurs buts ou les aires de problèmes identifiées. Les psychothérapies cognitive et interpersonnelle utilisent l’une et l’autre des interventions plus directives que celle de la psychothérapie psychodynamique. Les psychothérapies interpersonnelle et cognitive utilisent davantage l’enseignement de nouveaux outils comportementaux que le font les psychothérapies psychodynamiques. Les psychothérapies psychodynamiques brèves reposent davantage sur le patient pour activer et mettre en place de nouveaux comportements sans direction.
A notre connaissance, les études empiriques comparant des psychothérapies psychodynamiques brèves bien définies avec des psychothérapies cognitives et interpersonnelles n’ont pas été entreprises. La recherche future doit traiter la question de savoir quelle forme de psychothérapie brève peut être la plus utile pour quel patient. Il serait utile pour le développement des stratégies de recherche de conceptualiser cette question comme l’identification du ou des modes à partir desquels un patient peut apprendre le plus efficacement de nouveaux comportements. La voie d’apprentissage disponible d’un individu est déterminée par des variables d’état, de trait et de contexte. La connaissance qui se produit en psychothérapie, un processus de modification de l’organisation neuronale par des moyens comportementaux (d’abord verbaux), peut être influencée par le diagnostic du patient, les médicaments, l’histoire passée, le style cognitif, le stade de développement et la disponibilité affective autant que par la rencontre médecin-patient et d’autres variables; l’efficience du thérapeute est également dans un certain nombre de modalités une varaible critique. Les façons suivante lesquelles les résultats des psychothérapies cognitives, interpersonnelle et psychodynamique sont différents ou équivalents requièrent également d’être étudiées.
mercredi 28 mai
L’importance de la psychothérapie individuelle brève pour le praticien rend indispensable l’inclusion d’un enseignement de la psychothérapie brève dans la formation psychiatrique. Apprendre la psychothérapie à long terme n’est pas l’équivalent d’apprendre la psychothérapie brève. Cependant, la psychothérapie longue peut être préparée en utilisant la psychothérapie brève, où il existe moins d’opportunités de faire des erreurs et de les corriger. Les psychiatres résidents doivent développer les outils pour appliquer toutes les modalités de traitement : intervention de crise, psychothérapie psychodynamique brève, psychothérapie interpersonnelle, psychothérapie cognitive, psychothérapie psychodynamique longue, et psychothérapie de soutien. La compréhension de quel patient pour quel traitement à quel moment est essentielle pour la prescription de la psychothérapie, comme elle l’est pour la prescription des traitements médicamenteux [71].
La psychothérapie brève est le mieux enseignée en conjonction avec une discussion des principes de la psychothérapie longue. Dans le contexte de l’apprentissage des formulations psychodynamiques de la pathologie et des voies dans lesquelles les défenses, le transfert et le contre-transfert apparaissent dans la dyade psychothérapique, le résident doit commencer à apprendre les contraintes uniques et les avantages qui se produisent en utilisant une période de temps brève. En différenciant les psychothérapies brève et longue, l’étudiant psychiatre peut apprendre la sélection des patients et les procédures techniques appropriées pour accomplir la psychothérapie brève. Une telle formation demande à la fois une familiarité avec la littérature sur la psychothérapie brève et des expériences cliniques supervisées utilisant la psychothérapie brève.
En apprendant la psychothérapie brève, les résidents obtiennent une meilleure connaissance de l’importance de la procédure d’évaluation comme un élément séparé, distinct de la prise en charge de ces patients. Considérer la psychothérapie comme une modalité qui doit être prescrite dans sa durée, son objectif et son intensité, à la façon de la gestion d’un traitement médicamenteux, renforce le sens du résident de maîtrise, d’accomplissement et de compétence dans le travail psychothérapique avec une large éventail de patients [72].
Depuis la deuxième guerre mondiale, les psychiatres militaires ont trouvé que les traitements brefs étaient efficaces, non seulement dans les situations de combat, mais également dans l’environnement du poste militaire en dehors du combat [73]. Les nécessités de formation et les réassignations fréquentes du personnel rendaient souvent le traitement à long terme impratiquable [74]. De plus, la petit nombre des psychiatres militaires et des autres travailleurs de la santé mentale a fait de la psychothérapie brève le seul traitement pratiquable. Les réductions dans les consultations de soin ont été rapportées comme un résultat de l’usage de la psychothérapie brève [75].
Il a également été montré que la psychothérapie brève réduisait le nombre de jours d’hospitalisation des patients dans les services médicaux et d’urgence de l’hôpital général. Dans les cliniques de santé et les organisations de maintien du soin (HMOs), la psychothérapie brève réduit le nombre de visites chez les médecins généralistes, réduit le nombre d’examens de laboratoire et de radiologie, et réduit de façon générale les coûts de santé [76]. En 1984, Mumford et al [77] ont résumé leur méta-analyse des effets rapportés au coût des traitements de santé mentale des patients de santé mentale ambulatoires, la majorité de ces traitements étant brefs. Ils ont trouvé que la psychothérapie de ces patients entrainait une réduction moyenne de 33% de l’utilisation du soin médical. En plus, ces réductions apparaissaient le plus chez les patients les plus coûteux des services médicaux. Une autre étude [78] a comparé 72 patients présentant des problèmes émotionnels substantiels qui étaient traités par des internistes dans une clinique médicale générale avec 62 patients similaires qui, en plus d’être traités par des internistes pour des problèmes médicaux, recevaient dix visites hebdomadaires de psychothérapie. Aux suivis du 4ème mois et de 1 an, le groupe de psychothérapie brève a rapporté une amélioration globale significativement plus importante que le groupe non psychothérapique. De plus, davantage de patients dans le groupe de psychothérapie brève avaient un emploi au suivi de un an que dans le groupe qui n’était pas traité par psychothérapie. Cette étude suggère des effets bénéfiques spécifiques de la psychothérapie brève quand elle est utilisée dans un cadre médical par des psychothérapeutes expérimentés.
A partir du moment où les patients ambulatoires psychiatriques vont supporter davantage le coût de leur traitement, ils vont probablement continuer à demander des psychothérapie plus courtes et plus efficientes. Un paiement prospectif du traitement des patients ambulatoires est une autre possibilité pour la prochaine décade. En conséquence, il semble probable que, dans le futur, un remboursement satisfaisant ne sera fourni que pour les psychothérapies en temps limité et que ce remboursement orientera de façon croissante le type de soin vers cette forme de traitement. Des études empiriques sont nécessaires pour déterminer la psychothérapie brève la plus efficace pour différentes sortes de troubles psychiatriques traités dans le cadre ambulatoire [79, 80]. Une meilleure compréhension des effets coût/bénéfice de la psychothérapie brève clarifierait le rôle de la psychothérapie longue comme un traitement nécessaire et bénéfique pour des patients sélectionnés, et avec des arguments renforcés de son usage approprié dans des situations pour lesquelles la psychothérapie brève s’est révélée inefficace. Finalement, en dépit d’excellents arguments contraires, les remboursements futurs pourront se trouver limités aux traitements ayant démontré leur efficacité et dont le rapport coût bénéfice est favorable. Les avocats de types particuliers de psychothérapie brève seraient avisés de documenter leur efficacité et leur coût/efficacité pour des troubles mentaux sélectionnés.
Dernière mise à jour : vendredi 30 mai 2003 21:29:34
Dr Jean-Michel Thurin
![]() | ![]() |