• Histoire de Psydoc-fr*
  • Dr Jean-Michel Thurin

    Connaissez vous Psydoc-france ?

    Pour la plupart des psychiatres, ce sigle reste encore sans doute inconnu. C'est le serveur de la Fédération Française de Psychiatrie, consultable pat tous via le réseau Internet. Conçu pour être interactif, il se construit autour de plusieurs bases de données et de la version électronique de Pour la Recherche

    Psydoc-fr a déjà une longue histoire : près de quatre ans. Son projet est né de la réflexion des membres du Comité d'Interface FFP / INSERM et de la Commission mise en place par S. Veil à partir du constat de la faiblesse de la recherche psychiatrique en France, alors que cette discipline a en charge directement et indi-rectement une part très importante des problèmes de santé. Le cloisonnement de la discipline a été identifié comme un des facteurs de cette situation, se répercutant à tous les niveaux comme une perte d'efficacité et d'audience aux niveaux national et international. Des solutions ont été proposées. L'une d'entre elles a été que l'ensemble des revues françaises constituent une banque commune de données comprenant toutes les réfé-rences (et les résumés) des publications françaises, assorties d'un index analytique. Ce projet a commencé à se mettre en place, avec l'appui de l'INSERM et tout particulièrement de C. Kordon et du réseau DIC-DOC relayés par l'activité d'un groupe de pilotage et d'un groupe technique particulièrement dynamiques. D'autres ressources ont commencé à compléter le projet initial.

    La situation de départ

    Potentialités et faible impact de la littérature psychiatrique française

  • La littérature psychiatrique française reste aujourd'hui disséminée, sous utilisée et donc dévalorisée.

    Il existe une trentaine de revues importantes (1) , généralement non spécialisées, ce qui représente au moins un millier d'articles paraissant chaque année. Combien sont lus ? Combien sont utilisés en France et ailleurs ?

    De même, il existe un trésor bibliothécaire, également éparpillé malgré une volonté de transformer cette situation (2)

  • Cette dispersion se répercute à un double niveau : celui de la diffusion des connaissances entre les - 12000 psychiatres français, avec généralement pour chacun une réduction particulièrement dommageable dans la période de mutation et de redéfinition de champ et des pratiques qui caractérisent actuellement la psychia-trie ; celui d'une fragilité de la publication française qui n'atteint qu'une faible diffusion internationale. Ces deux aspects sont liés. De fait, au lieu d'une amélioration et d'un approfondissement progressif des questions identifiées, bénéficiant des travaux déjà existants, un double travers se dessine : celui de la publication "originale" sous documentée et celui de la publication "scientifique" en langue anglaise avec des impératifs d'approche et des concepts qui ne correspondent que partiellement à la culture française (3) .

    Prédominance de l'anglais et de la culture américaine dans la littérature scien-ifique en psychiatrie

  • Les enjeux qui concernent ce dernier point ont été soulignés par un de nos collègues, JP. Vignat, qui a souhaité alerter les psychiatres français, et en premier lieu les universitaires, sur le risque que comporte la généralisation d'un thésaurus américain : "à un concept non retenu par le DSM ne correspondra aucun mot-clé ; les travaux le concernant ne seront donc pas répertoriés et, de ce fait, deviendront d'autant plus inacces-sibles que se généralisera l'emploi des banques de données bibliographiques". Un article paru dans INSERM Actualités (4) à partir du rapport de l'Académie de Médecine, décrit cette situation qui n'est pas propre à la psychiatrie et émet différents voeux au sein desquels l'importance des banques de données et le rôle des Associations est soulignée. "Il serait donc du plus haut intérêt de constituer des banques de données dont la source serait plus large". "Les associations peuvent et doivent jouer un rôle, et même un rôle de premier plan, dans la défense de la francophonie. Elles apportent en effet la caution des scientifiques et peuvent agir avec plus de souplesse qu'un organisme officiel".

  • Effectivement, actuellement, deux grandes bases de données scientifiques occupent une position do-minante : MEDLINE et PASCAL.

    Tant par les périodiques indexés que par la langue, la représentation excessive de l'anglais y est évi-dente. Des documents émanant des cahiers de formation aux bases de données organisées par l'IMA-INSERM montrent :

    a) pour MEDLINE : 37% de périodiques américains et 12,5% de périodiques britanniques (soit près de 50% de périodiques anglo-saxons), avec 79% d'articles en anglais et 2,9% en français.

    La liste des périodiques français indexés dans MEDLINE (5) montre une cruelle absence de périodiques d'importance dans le champ concerné.

    b) pour PASCAL, on peut consulter la liste des périodiques du fond documentaire qui montre un certain nombre de périodiques français ; cependant, la langue anglaise est utilisée à 63% contre 12% pour la langue française.

    Un handicap supplémentaire est apparu : les documentalistes de l'IMA et du réseau documentaliste ont souligné combien, depuis plusieurs années, l'intérêt de PASCAL pour les publications de psychiatrie et/ou de psychanalyse est devenu moindre (défaut de bonne indexation). Par ailleurs, quiquonque aura tenté une consultation dans cette base aura pu en constater le coût et la dispersion des informations qui en font un ou-til d'usage spécialisé.

    Une autre base spécialisée, PSYCINFO, est intéressante mais, américaine, elle est donc constituée qua-si exclusivement de littérature anglo-saxonne (6) .

    Les bases d'une action

    Transformation de l'accès à l'information et nouveaux outils de communication

    Face à cette situation, que faire ?

    La création de la Fédération Française de Psychiatrie, regroupant les Sociétés savantes et constituant par là même un lien entre leurs publications a été le premier élément d'une évolution possible. En effet, on a commencé à imaginer comment, à la redondance ou au splendide isolement, pouvait se substituer une philo-sophie de la complémentarité et de la convergence construite sur une architecture de réseau.

    Mais ces principes vertueux et de bon sens n'auraient eu que peu d'impact sans une évolution générale et technique concommitantes qui ont fait apparaître en très peu de temps les actions isolées comme des his-toires de Moyen âge. L'accès à l'information va être totalement transformé dans les années qui viennent avec la généralisation de l'accès individuel et institutionnel aux serveurs Internet. De même que le seront les mo-dalités de communication et d'échange scientifique avec l'existence des messageries, forums, etc. L'enjeu interne s'est doublé d'un enjeu externe. Soit il y aura la possibilité d'affirmer une présence des travaux français et de leurs résultats, soit nous serons condamnés à appliquer des recettes venues d'ailleurs, selon le principe "One world, one language ... one culture".

    Compte tenu de l'étendue du champ de la psychiatrie, de la préoccupation récente de connaissances va-lidées, de la diversité des problèmes de pratique auxquels sont confrontés les psychiatres, la réalisation d'une ou deux publications "de référence" soutenues par un important groupe éditorial reste actuellement un objec-tif très incertain. Un des premiers projets de la FFP, qui était de publier chaque année un ouvrage reprenant deux articles sélectionnés par chaque revue, a été abandonné faute de pouvoir régler des problèmes de copy-right (25 revues = 25 problèmes) et aussi parce que les critères de sélection paraissaient bien difficiles à dé-finir.

    Par contre, la possibilité de réunir la présentation des publications françaises et leurs sommaires dans un site commun "ouvert" est devenue envisageable avec un certain nombre d'éléments facilitateurs. Les intérets généraux et individuels se rejoignent : pôle d'identification commun valorisant des publications validées tout en préservant les spécificités, possiblité simplifiée de se procurer la revue, possibles collaborations con-tribuant à limiter les effets de ségrégation et d'éparpillement qui se sont révélés si néfastes pour la recherche française en psychiatrie et plus généralement pour son identité. En outre, des "services communs" et la mise en perspective peuvent aider l'évolution souhaitée des habitudes de publication des cliniciens vers plus de rigueur sans pour autant dénaturer l'approche clinique et les modèles féconds auxquels ils se rattachent.

    Cest dans ce contexte que s'est affirmée peu à peu l'idée de constituer une base de données accessible par les moyens modernes - c'est à dire le micro-ordinateur personnel - et pratiquement gratuite parce que collaborative. Il est rapidement apparu que cette base pouvait créer une nouvelle donne, non seulement pour l'accès des psychiatres aux publications françaises existantes et leur utilisation, mais aussi dans la situation de monopole exercée sur la plan scientifique en psychiatrie par la littérature étrangère.

    L'IMA a manifesté son intérêt pour ce projet et y a vu la possibilité d'intégrer une telle base dans le réseau DIC-DOC (7) , tout en précisant qu'il faudrait évaluer le coût de l'opération, en matériel et en personnel.

    Mise en oeuvre

    D'abord, comment concevoir les moyens pratiques qui permettraient de coordonner une participation des différentes revues à la mise en oeuvre de cette base ? Une méthodologie très simple et peu coûteuse a été définie en s'appuyant sur l'exemple du fonctionnement de Current Contents,. Globalement, il s'est agi d'intégrer au fur et à mesure de leur parution les sommaires des différents numéros de revues, saisis sur disquette informatique, avec les résumés des articles et leurs mots clés, tels qu'ils ont été définis par leurs auteurs (ou les responsables de revues). Cette saisie doit répondre à des critères de mise en forme précis (placer les items : titre, nom de l'auteur, nom de la revue, etc ... dans un ordre donné) identiques ou très proches des sommaires "naturels". Le travail supplémentaire est donc en principe minime, comparé au service offert et à la publicité (au sens fort) pour la publication.

    Cette mise en place est aujourd'hui bien engagée puisque cinq revues y participent régulièrement et qu'une dizaine d'autres sont en train de le faire. Elle aura encore une fois fait apparaître la grande hétérogé-néité dans la chaîne éditoriale des différentes revues qui fait de chacune d'elles un "cas particulier", en même temps que se dessine une volonté de mieux prendre en compte les règles internationales.

    Réunir des données est une chose, pouvoir y accéder en est une autre. Un double problème s'est présenté alors : celui de la structure matérielle de la plate forme serveur d'une part et celui de l'accès conceptuel d'autre part.

    La structure matérielle

    L'accès par Minitel, qui avait été initialement envisagé, a été rapidement abandonné et l'on s'est orienté vers Internet. La mise en place matérielle a été réalisée en six mois par JM Thurin, à partir de l'ordinateur et des logiciels acquis par la FFP, en attendant le développement de fonctions plus élaborées dans le cadre du projet Biomedscape de l'INSERM, à partir d'une plate forme commune pour plusieurs disciplines. La conception de la partie "logicielle" a été réalisée en collaboration avec F. Marchand (Ingénieur d'étude INSERM). Cette mise en place a été facilitée par l'existence d'un outil de gestion bibliographique très per-formant, Bibliomac (concepteur Pr B.Lassalle. Université de Lille), avec lequel les chercheurs, documentalis-tes de l'INSERM et du CNRS sont familiarisés. Il permet de stocker jusqu'à 13 000 000 de "fiches" (avec résumé). Ses facilités d'acquisition automatique le rendent aisément utilisable. On peut récupérer des fichiers textes aussi bien que des bases déjà constituées ou des consultations sur serveurs. Un émulateur incorporé permet d'accéder aux banques de données et le concepteur est toujours prêt à y intégrer d'autres possibilités.

    L'accès conceptuel

    Un article n'est en principe pas destiné à être (éventuellement) lu uniquement au moment de sa paru-tion. Dès lors, se pose la question de son identification et donc des mots clés. Très rapidement, il est donc apparu nécessaire de constituer un groupe "Vocabulaire" d'interface entre la profession, les réseaux documentaires français, les revues et l'INSERM comme correspondant du MESH (8). L'idée initiale était que ce groupe, animé par C. Veil, aurait pour tâche d'examiner les mots clés utilisés, de les rapporter aux synonymes correspondants en langue anglaise et de proposer de nouveaux termes à la base de vocabulaire. En fait, le problème s'est révélé encore plus compliqué que prévu et c'est le groupe de pilotage (9) chargé d'examiner les problèmes pratiques au fur et à mesure qu'ils se posaient qui a commencé a trouver quelques solutions.. En effet, il existe dans notre discipline une certaine anarchie concernant l'indexation, celle-ci relevant de façon isolée et concurrente des auteurs, des rédacteurs de revue, d'un réseau bibliothécaire ou d'un autre ou encore des documentalistes des bases de données. La première étape, qui n'est pas encore terminée, a été d'identifier, de mettre ensemble ces différents acteurs et de comprendre comment chacun travaillait de façon à constituer des liens et à envisager comment ces différentes compétences pouvaient collaborer. De nouveaux problèmes sont alors apparus car ces différents intervenants appartiennent à des structures institutionnelles différentes. Mais aussi des potentialités, car outre les apports respectifs qui ont été introduits, une répartition des tâches est devenue concevable, puis la possibilité de compléter progressivement la base d'actualités par l'adhésion de fonds bibliothécaires. Concernant la question du vocabulaire proprement dit, on s'est orienté vers une solution réalisable : plutôt que de vouloir constituer préalablement un vocabulaire "idéal", il serait sans doute plus intéressant de mettre à disposition et en perspective les différents vocabulaires existants avec l'idée que cette fréquentation aurait nécessairement une incidence sur l'indexation.

    Concernant l'accès international, il est apparu qu'il serait suicidaire de fonctionner sans interface et qu'il faudra certainement s'inspirer de la version française du thesaurus de Medline ou de Pascal mais en y ajoutant des concepts français de la spécialité autres que ceux de la terminologie dérivée du DSM-IV et sui-vants. Deux étapes sont prévues : la mise en place de synonymes et la validation de nouveaux mots clés. Ce travail est capital car c'est l'outil qui permet l'interrogation, par les professionnels concernés, de la base en question.

    Voici donc, rapidement dressé, l'état des lieux concernant la partie "Réseau publications" de Psydoc-fr. Une réunion va se tenir au Vésinet le 6 mars 1997 . Partant du thème "Publications françaises et documentation en psychiatrie - état des lieux, enjeux et perspectives", elle aura pour objectif de préciser le développement d'un réseau de collaboration entre les différents intervenants de la chaîne qui relient l'auteur au lecteur, via une recherche documentaire. Et en attendant, pour vous connecter sur le site de Psydoc-fr, taper http://psydoc-fr.broca.inserm.fr

    Les autres ressources de Psydoc-fr http://psydoc-fr.broca.inserm.fr

    Outre la présentation des revues et de leurs sommaires, vous trouverez sur le site (mise en place progressive)

    - "Pour la Recherche" , en édition électronique

    - Les coordonnées des Sociétés savantes et la présentation de leurs activités

    - L'état des recherches en cours et le rapport final de certaines d'entre elles

    - Les communications des Journées conjointes sur la recherche et des symposia

    organisés par la FFP

    - Les principales adresse biomédicales et psychiatriques sur Internet

    - Une information sur les manifestations et les séminaires scientifiques

    - Des Forums d'information et d'échange

    - Une aide technique, des brèves et des textes de base.


    notes du texte

    (1) Les principales publications françaises en psychiatrie ont été présentées dans les numéros 6 et 7 de Pour la Recherche, avec, depuis, plusieurs mises à jour.

    (2) avec la mise en place de deux réseaux : un réseau provincial ASCODOC PSY et un Réseau des Bibliothèques médicales psychiatriques de Paris et de la région parisienne.

    (3) Tableau de la recherche psychiatrique en France, JM. Thurin, Brochure de la 1* Journée d'inter-face, INSERM/FFP

    (4) Médecine et langue française, G. Blancher et J.C. Sournia, INSERM Actualités , n* 125, mai 1994

    (5) Annales Médico-Psychologiques, Encéphale, Psychiatrie de l'Enfant

    (6) Pour la Recherche, numéros 2 et 3.

    (7) Département Information Communication Documentation de l'INSERM.

    (8) Vocabulaire de la base MEDLINE

    (9) Se réunissant tous les deux mois, il est constitué de correspondants ou rédacteurs en chef des revues, de documentalistes, experts et psychiatres particulièrement intéressés. Parmi les "habitués", on retrouve les Drs M. Botbol, M. Grohens, L. Fineltain, Dr Joussellin, J.J. Laboutiere, J.P. Lauzel, P. Noël, C. Pechiné, D. Ribas, M. Robin, Y. Thoret, M. Thurin, J.M. Thurin, C. Veil, Mr J.N. Marzo (INSERM), Mme M.T. Mercier et Mr Chene (Réseau ASCODOC PSY), Mme Chartier (Réseau bibliothè-ques région parisienne)

    * cet article est paru dans La Lettre de Psychiatrie française n°61/97



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