Naissance de la Fédération Française de Psychiatrie

Un constat, une initiative de l'INSERM

En 1991 l'INSERM, par la voix J. Glowinski, prenait l'initiative de réunir les sociétés scientifiques françaises de psychiatrie dont elle avait connaissance. Le but : envisager avec elles comment donner une nouvelle impulsion à la recherche clinique dans cette discipline. Il faut dire que depuis des années, les rapports s'accumulaient faisant apparaître un retard important par rapport aux autres pays, européens notamment. Ce décalage était attribué à différentes causes, parmi lesquelles : la faiblesse des moyens, dans l'absolu et relativement à l'importance des soins en pathologie mentale ; la pertinence insuffisante des modèles neurobiologiques proposés à la psychiatrie, qui avait souvent orienté la discipline dans des voies sans issue et attiré spécifiquement les crédits dans cette direction ; la formation et l'information insuffisantes des psychiatres sur les possibilités et les contraintes de la recherche ; la difficulté pour les organismes institutionnels, mais aussi pour les psychiatres, de prendre en compte et de concevoir, sur le plan épistémologique, la spécificité de la psychiatrie au sein des autres disciplines médicales ; la dispersion des efforts et des tentatives au sein de la profession.

Vingt et une Sociétés savantes se fédèrent

Rapidement, la nécessité s'imposait de constituer une organisation qui permette de regrouper les idées, d'en débattre, de les promouvoir et de les défendre, ainsi que de susciter des actions spécifiques. Bref, de disposer d'une structure d'interface qui puisse aussi bien intensifier et coordonner les actions des différentes sociétés pour la recherche qu'être un interlocuteur représentatif de la profession auprès des organismes concernés, des pouvoirs publics et des sociétés étrangères. La structure qui paraissait la mieux adaptée, compte tenu de l'histoire de la psychiatrie française, de la diversité des approches, des pratiques et des exercices était celle d'une Fédération. Ses statuts étaient élaborés, discutés en quelques mois et finalement adoptés au cours d'une Assemblée générale extraordinaire, début 1992. Y participaient les représentants des 21 Associations nationales ayant contribué à sa fondation1. Voici l'essentiel de ces statut: Les buts : l) Promouvoir et faciliter la réflexion, la coordination et le développement des recherches dans tous les domaines de la psychiatrie et de la santé mentale. 2) Favoriser les échanges d'information entre les différents intervenants : pouvoirs publics, organismes financiers et gestionnaires, public, travailleurs de la santé, psychiatres praticiens et chercheurs. 3) Stimuler et contribuer à la diffusion des connaissances. 4) Promouvoir et favoriser les échanges et la représentativité de la psychiatrie française sur les scènes nationales, internationales et, en particulier, européennes. L'administration : La Fédération est administrée par un Conseil composé d'un représentant mandaté par chaque Association adhérente. Chaque Association désigne, en outre, un ou deux suppléants pour remplacer, en cas de besoin, le Conseiller titulaire. Le renouvellement du Conseil a lieu tous les deux ans par moitié. La première fois, une moitié des conseillers sera désignée par tirage au sort. Les conseillers sont rééligibles une fois. Le Conseil élit en son sein un bureau composé de 12 membres, dont la moitié représente les sections. Celles-ci concernent un domaine particulier (par exemple la psychiatrie de l'enfant), une approche (par exemple, psychothérapique, biologique, sociale, de santé publique) une méthode (épidémiologique ou évaluative) et enfin la formation. Les ressources : Elles sont constituées par : - les cotisations dont le taux est proposé par le Conseil d'Administration, et approuvé en Assemblée Générale ; - les subventions de l'Etat, des régions, des départements et des communes ; - les aides et subventions d'organismes privés ou publics, et des particuliers.

Un rapport sur la recherche en psychiatrie : analyse et propositions concretes

Pour sa première année, la Fédération a été présidée par le Dr SD. Kipman. Il s'est agi d'abord de faire connaître et d'affirmer la représentativité de la Fédération sur le plan national et international. Ensuite, d'engager très rapidement au sein de la profession une réflexion très ouverte sur la recherche pour pouvoir présenter des propositions recevables aussi bien par les praticiens que par les partenaires institutionnels. Cette tâche, confiée au secrétaire général, JM. Thurin, a donné lieu à un rapport.
Celui-ci comprend deux parties : l'une d'état des lieux et de réflexion, l'autre pratique. Les propositions s'inscrivent dans une dynamique progressive, s'appuyant sur le peu existant déjà et les possibilités ouvertes par la création de la Fédération. D'abord, il est important que l'ensemble des psychiatres puisse participer à la recherche et que celle-ci concerne tout particulièrement des questions en relation directe avec la pratique. Dans cette discipline, où l'innovation et la dimension humaine sont si importantes, il y a des hypothèses à présenter et à tester, des stratégies thérapeutiques à évaluer, et à faire connaître, des complémentarités à envisager, des instruments à concevoir qui permettent une réelle diffusion des connaissances. De cette action, multiforme et multicentrique mais coordonnée, on peut attendre une avancée importante à un niveau plus fondamental, sachant que c'est un domaine où la complexité et la pluralité des niveaux d'approche sont intrinsèques à l'objet. Ensuite, se pose la question de la mise en oeuvre et il faudra répondre aux difficultés actuelles. Les premières tiennent au manque de moyens en termes de contrats, au faible nombre des structures d'animation et d'accueil et une formation à la recherche insuffisante pour la majorité des praticiens. Il faudra rompre le cercle vicieux d'une dynamique restreinte qui agit à la fois sur le nombre de recherches engagées, les capacités d'encadrement, et la possibilité de se faire entendre dans le commissions. Il s'agira aussi de préserver l'articulation entre fonction clinique et recherche, de concilier créativité et démarche scientifique, d'ouvrir largement la recherche à l'extra-hospitalier. Cela demande évidemment des qualités individuelles mais aussi que les différents organismes, publics et la sécurité sociale prennent en compte l'importance d'un temps de recherche pour la qualité des soins. Dans ces conditions, on peut tout à fait concevoir une organisation reposant à la fois sur des pôles institutionnels de recherche, avec éventuellement une certaine spécialisation, et sur des activités de recherche conçues pour une temps donné sur un thème par un service ou (et) un groupement de praticiens.

Initiatives et partenariat

Concrêtement, c'est une véritable rénovation du milieu par lui même qui s'est engagée avec la naissance de la Fédération. Elle implique l'information et le décloisonnement, le recensement des recherches et la valorisation des communications scientifiques aujourd'hui éparpillées dans une multitude de revues, l'utilisation positive de la diversité des modèles et des pratiques. A ce sujet plusieurs expériences récentes montrent tout l'intérêt de la constitution de réseaux sur thèmes. Ces réseaux permettent au minimum des échanges entre points de vue différents ; il laissent également présager des articulations possibles entre des niveaux d'approches et des exercices différents.

La Fédération entend bien aussi agir auprès de, et avec ses partenaires. Pour la formation, en concevant avec les universitaires et les ministères concernés l'introduction d'une initiation à la recherche dans les programmes d'enseignement de la médecine et de la psychiatrie mais aussi les modalités d'une formation intégrée pour les cliniciens en exercice. Pour la santé, en intervenant pour que des appels d'offre autour de thèmes prioritaires soient rapidement lancés. C'est avec ce programme qu'elle s'engage dans sa deuxième année, sous la présidence du Pr H. Loo.

Dr Jean-Michel THURIN

Les signataires des statuts lors de la constitution de la FFP

1 M. BAZOT (SFA.), P.F. CHANOIT (A.FPPS.), A.. FAGOT LARGEAULT, J. GARRABE (E.P), J. GLOWINSKI (INSERM) Président de séance, S.D. KIPMAN (AFP), G. LANTERI LAURA (EP), M. LAXENAIRE (SPMLF), J.-M. LEGER (SPGLF & CPNL), H. LOO (AFPB), P. MARCHAIS (SMP), M. MARIE CARDINE (CFSRP & SRP), P. MORON (GEPS), - S. PARIZOT (ASFPSP), - B. RIVIERE (AFTCC), - J.M. SCOTTO (CNUP & GFEP), - R. SOULAYROL (SFPEA), - J.M. THURIN (AFPEP) - Y. TYRODE (ASPS), - C. WIART ( CEE & SFPPE) , - D. WIDLOCHER ( AMRP).


Article paru dans INSERM Actualités 1993