Fédération Française de Psychiatrie
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The evolution of opiates substitute in France

2nd National Drug Treatement Conference, London, 2004 

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      REALITE VIRTUELLE

Un système de Réalité Virtuelle est une simulation par ordinateur dans laquelle le graphisme est utilisé pour créer un monde qui semble réaliste. Le monde synthétisé n'est pas statique, il répond aux ordres de l'utilisateur (gestes, paroles ou toutes autres commandes extérieures). La RV implique des interactions à travers de multiples canaux sensoriels : vision, toucher, odorat, goût. La notion de réalité virtuelle se retrouve dans la cyberdépendance, nouvelle expression des «maladies de la modernité ». Les accros de la virtualité élisent domicile dans le Cyberland, monde nouveau, initiatique, où la vie se déroule selon des règles prédéfinis. Ceux qui vivent dans ce monde virtuel sont dépendants de leur nouveau cadre de vie, au détriment d’autres investissements, affectifs, sociaux et familiaux. Les «drogués du virtuel » remplacent la dépendance à une substance psychoactive avec l’investissement d’un comportement ou d’une relation affective. On retrouve dans chez les accros de la virtualité les critères classiques de l’addiction illustrés dans le DSM -IV. Il n’est pas rare de rencontrer chez les «drogués du virtuel » des traits communs avec les cyberdépendants. Pourtant, le trait principal qui définit les accros du virtuel est le désinvestissement du monde réel dans le détriment de la virtualité. Avant de décrire le potentiel addictif de la virtualité il semble nécessaire de faire un rappel sur l’apparition de la réalité virtuelle, sur ses applications immédiates et futures.

La réalité virtuelle ne doit pas être confondue avec la réalité augmentée. Avec cette dernière, l'utilisateur interagit avec le monde réel par les voies naturelles et simultanément il utilise les informations synthétiques qui l'aide à mieux appréhender son environnement. Les informations virtuelles, viennent renforcer la perception de la réalité. Plutôt que de plonger l'homme dans un monde artificiel, la réalité augmentée propose d'enrichir son environnement naturel.

La notion de réalité virtuelle date de plus trente ans, enregistrée sous le brevet américain n° 3 050 870, accordé à Morton Heilig pour son invention le «Sensorama Simulator». Cette invention était constitué d’un système vidéo en 3 D, réalisé avec des  caméras 35mm reliées et fournissait du mouvement, de la couleur, du son stéréo, des odeurs, du vent à l'aide de petits ventilateurs situés prés de la tête de l'utilisateur avec un siège qui vibrait. Ainsi il était possible de simuler un voyage à motocyclette ou des voyage en automobile, le cadre variant, du milieu urbain en pleine campagne. Actuellement les prouesses techniques permettent de réaliser des objets virtuels à l’aide des bibliothèques graphiques en 3D ; les programmes professionnelles de CAO – Création Assistée par Ordinateur - sont nombreuses, les plus connues étant Autocad et 3D Studio. L'utilisateur peut créer interactivement les modèles d'un objet, les textures, les aspects spatiaux.

On peut considérer que la plupart des domaines de la vie courante peuvent et pourront un jour bénéficier de la RV. Le domaine ludique et culturel, l’éducation, mais aussi la haute technologie – militaire, aéronautique, la médecine exploratrice et interventionniste, sont déjà des domaines privilégiés de recherche.

Les loisirs
Le jeu est un des premiers terrains d’application de la RV. Le joueur est plongé dans un monde imaginaire où toutes ses fantasmes sont autorisés. La perception et l’amplification de certaines sensations (visuelles, sonores) est facilité à travers les nouveaux périphériques.

Le sport
Dans le domaine sportif, les applications concernent le développement des capacités d’entraînement et l’analyse des situations. Des appareils sophistiqués permettent l’analyse et la décomposition des mouvements spécifiques à chaque discipline ou la reproduction des conditions d’entraînement.

Le secteur médical
L'informatique apporte au monde médical un aide impressionnant. La révolution de l’enseignement, l’accessibilité vers des bases de données complètes et puissantes, les consultation virtuelles et les téléconférences, permettront une évolution dans la qualité des soignants, aidant à la prise de décisions à distances dans des conditions de catastrophe ou d’isolement. A ce propos, les téléconférences réalisées par le SAMU se relèvent prometteuses. Les téléconférences – cybersessions réalisées par la Fédération Française de Psychiatrie, constituent dans ce domaine une première en France.

Les systèmes critiques
L'apprentissage et la maîtrise des situations de catastrophe est d’une grande actualité. Reproduire exactement des situations calamiteuses comme Tchernobyl, afin de maîtriser et anticiper le danger, mais aussi la préparation des secours, devient plus simple à travers ces techniques de RV.

L'enseignement
Comme pour l’enseignement médical, toute forme d’enseignement scolaire et universitaire peut bénéficier des techniques RV. L'usage d'un matériel éducatif convivial, qui fait appel à la perception et au sensoriel de l'étudiant : vision, audition, toucher, odorat, permettra un apprentissage plus rapide. La connexion aux grandes bases de données du Web permettra la consultation d’un matériel de qualité.

Les techniques de la communication
Le langage des signes traduit en parole est une réalité rendue possible à l’aide d’un programme, GloveTalker. La communication par signes à distance peut être rendue possible grâce à la RV en reconstituant les gestes. Une application qui a eu un retentissement médiatique sans précèdent est la transcription informatique des mouvements des paupières dans le cas des tétraplégiques.

Les techniques de simulation
Utilisées par les militaires dans le cadre des programmes d’entraînement des pilotes de chasse et de combat, la simulation en RV a été beaucoup utilisée par la NASA dans l’entraînement des astronautes. Plus proche dans la vie quotidienne est l’utilisation dans les simulations des auto-écoles.

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Le développement du monde virtuel, qui se mélange avec le monde réel, avec la représentation du monde de l’imaginaire, annonce une crise fondamentale de la représentation. On assiste de plus en plus à la disparition des repères culturelles, sociaux, familiaux et les repères de la réalité immédiate. La question qui se pose, est de savoir s'il y a complémentarité entre les deux mondes, plus précisément si le monde virtuel n’est pas en train de se substituer à l’autre et d’apparaître effectivement plus disponible, plus facile à vivre et à supporter que le monde réel. Les représentation virtuelles sont avant tout des constructions mentales basées sur les modèles que nous nous formons de la réalité, avec la force et les limites de ces modèles.

Comme le dit J.G.Ballard  « ..cela représente le plus grand événement dans l’évolution de l’humanité. Pour la première fois, l’espèce humaine sera capable de nier la réalité et de substituer sa vision préférée ».

Les chercheurs ont développés des "Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication" (NTIC), qui offrent l’accès vers une forme de perception hallucinatoire. Les NTIC renvoient des stimuli visuels et auditifs, qui permettent grâce aux moyens technologiques très sophistiqués - gants, lunettes, combinaisons - de reproduire la sensation de la texture des matériaux, la température d’un objet, la sensation de poids, voire même la sensation d’avoir serrer la main d’une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres. Le texte suivant illustre d’une manière concise l’étendue de ce changement dans les mentalités : « Une réalité virtuelle est un monde crée par ordinateur qui change le sens de la pensée. Un gant virtuel pourra te donner le sentiment de plonger ta main dans l’eau, dans la boue ou dans le miel. Une combinaison de la réalité virtuelle pourra te donner l’impression de nager dans l’eau, dans la boue ou dans le miel. La réalité virtuelle émerge des cockpit des simulateurs utilisés dans l’entraînement des pilotes et pourra modeler les systèmes multimédia du futur. L’idée des systèmes avancés de réalité virtuelle comme substituts futurs du sexe, des drogues c'est le nouvel apanage de la science fiction moderne, de l’écriture cybernétique » - Bart Kosko (in Fuzzy Thinking, 1993).

Les cyberaddictifs - ‘accros’ de la connexion et de la communication, «drogués du virtuel» qui passent des heures et des heures on-line, afin de visiter et d’habiter le plus longtemps possible la communauté virtuelle, dans le Cyberland, expression idéalisée du village planétaire de McLuhan, vivent cette crise de la représentation de manière directe.

Le groupe des cybériens, essaie de retrouver une famille en tant que milieu affectif privilégié ou les thèmes cosmiques, érotiques et sensuelles sont prépondérants. L’avènement de ce nouveau monde virtuel, ne traduit pas simplement une crise profonde de la représentation, mais il touche à l’image de soi-même, modifie le sens de la finalité existentielle. Les représentations virtuelles amènent avec elles la contrainte de vivre - parfois de survivre - parmi les représentations de la réalité plutôt que dans la réalité elle-même. L’activité quotidienne, communicationnelle, ludique de ces accros se déroule dans le cadre d’une communauté d’initiés, possédant leur propre bagage de connaissance, leur langage et les mêmes représentations du monde, leur trait commun étant cette nouvelle ‘normalité virtuelle’.

Les accros de la RV ont élu domicile, vivent selon des normes de vie très initiatiques, d’une façon ‘artificielle’. Les échanges et les contacts sont habituellement réalisés par l’intermède des groupes de paroles virtuelles ou dans un proche avenir, à l’aide des outils à fort potentiel virtuel, comme les gants, les combinaisons et les lunettes. Grâce aux outils de communications offert par Internet, les processus d’approche et de séduction - étapes nécessaires et importantes dans l’évolution de toute communication entre individus - sont court-circuités. Les adeptes de l’IRC, perçoivent la réalité virtuelle comme un moyen d’acquérir une reconnaissance sociale qu’ils estiment ne pas avoir dans la vie réelle. La force addictive de la RV est manifeste à travers des groupes de parole, groupe qui facilitent la communication synchrone ou asynchrone de la pensée. Le groupe virtuel entoure ses membres et participe à la construction et la déconstruction des mythes, rend légitime la relation souvent excessive, addictive entre les IRCistes et le monde virtuel. L’imaginaire collectif, construit à plusieurs authentifie une «vérité virtuelle », déculpabilisant les membres du groupe. Dans les groupes virtuels, les relations humaines - amour, haine, amitié -  se font et se défont comme dans la vie réelle. Le langage codifié de ces groupes de parole fait souvent appel aux affects et aux émotions primaires. La quête de légitimité de la part du groupe virtuel, amène ses membres à transposer la virtualité dans l’actualité.

Les nouveaux espaces de discussion et de vie, remplacent les IRC. Le phénomène de l’undernet - l’Internet underground - illustre d’une manière pertinente les rites initiatiques, la protection de son espace. Les internautes se regroupent dans ces espaces undernet selon un protocole fermé, qui permet l’échange de la pensée qu’entre les membres du même groupe. Le fait de changer souvent d’adresse http et d’appellation, serait une protection supplémentaire face aux non-initiés, aux curieux et dans une étape supérieure, aux autorités. La description de ce nouveau monde apparaît pour la première fois dans un roman de science fiction, ‘Le Neuromancien’, W. Gibson : «le cyberespace : une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d’opérateurs. Une complexité impensable. Des traits de lumière disposés dans le non-espace de l’esprit, des mas et des constellations de données ». C’est un autre aspect du monde virtuel, qui possède une valeur symbolique intrinsèque propre, avec une connotation d’espace illimité à conquérir et peupler, qui joint la notion d’infini, mais dans le même temps est associé à un cadre protecteur. Le même auteur a écrit le scénario de Johnny Mnemonic - personnage virtuel, héros d’un livre rendu célèbre par le filme homonyme. Son dernier roman, ‘Idoru’, raconte l'histoire d'un homme qui tombe amoureux d'une présentatrice de la télévision japonaise, créé par images de synthèse. Il devient fol amoureux, sans se rendre compte que derrière l'image adorée, il n'y a qu'un logiciel. Ce qui est intéressant, c’est la récupération «pragmatique» de ces données. Avant même que le livre ne soit publié, une agence de mannequins japonaise venait de créer une jeune fille de synthèse aux mensurations idéales. Sa personnalité a été construite de toutes pièces, en commençant par sa date de naissance, jusqu'aux goûts culinaires de ses parents imaginaires. Actuellement, suite au succès médiatique remporté, elle a déjà plusieurs contrats pour tourner des films publicitaires.

Plusieurs autres aspects de la réalité virtuelle ont à la base un comportement addictif commun avec la cyberdépendance. Ce constat n’est pas surprenant, sachant que les cyberdependants cherchent aussi un refuge du monde réel et surtout par la manière commune d’accéder à ces fantasmes - le monde de l’Internet. L’interconnexion de ces «drogués du virtuel» est la culture cybernétique - la cyberculture - avec ses nouvelles valeurs et normes de vies.

Tout d’abord, les jeux entre les IRCistes, qui ne communiquent que dans le cadre des canaux qui leur sont dédiés, leurs manières de vie étant conditionnées par le jeu qui les occupent la plupart de leurs temps. Ces jeux, mêlant la fiction, la virtualité et le ludique se sont développes d’une manière explosive. Les jeux on-line ou dans les casinos virtuels qui fleurissent sur le Web, ont crées des vraies inconditionnels (voir cyberaddiction).

L’exemple des jeux électroniques - comme le célèbre Tamagotchi («adorable petit œuf » en japonais) - font souvent appel  aux émotions et affects forts des enfants. Selon D. Ichbiah, journaliste spécialisé dans l’univers «cyber», ce type de jeu, réalise une véritable prise d’otage affective avec la réalisation d’un fort sentiment de culpabilité. La relation qui s’installe entre l’enfant et son jouet et très forte et réalise un asservissement technologique au détriment de la vie sociale et familiale. Un jeu plus évolué «FinFin», met au premier plan un dauphin crée par images de synthèse, qui vit, rentre en relation avec les enfants et les adultes. Eteindre son ordinateur et envoyer dans le néant son «ami» devient un geste difficile à réaliser et très culpabilisant.

Le nombre immense des sites Internet consacrés à la pornographie subi en quelque sort la loi de l’offre et de la demande, les sexaholics - sexdépendants étant une catégorie de plus en plus répandu sur le Web. Les filles de rêve, prêtes à assouvir toutes les fantasmes et exigences des sexaddicts plongent cette population dans le monde virtuel ou tout est permis, sans limites et cadre légal. Ph. Spoljar introduit une notion très intéressante, celles de "Sexualité Assistée par Ordinateur", capable selon l’auteur d’effacer les frontières entre masturbation et rapport sexuel. P. Virilio utilise le terme de cybersexualité : "on invente une perspective nouvelle, la perspective du toucher, qui permet une sexualité à distance, la télécopulation. L’événement est inouï : jusqu’alors on n’avait jamais pu toucher à distance. Or aujourd’hui, à des milliers de kilomètres je peux non seulement toucher avec des gants de données, mais avec une combinaison spéciale je peux faire l’amour à une fille à Tokyo, ses impulsions m’étant transmises par des capteurs me permettant de faire jouir et de jouir moi-même".

Les journaux personnels qui raconte au moindre détail la vie intime de leurs auteurs sont de plus en plus mis à la disposition des internautes. Certaines pages Web contenant des journaux personnels vont accroître leurs affluences aux «moments de pointe» quand les auteurs racontent leur vie sexuelle. Ainsi, paradoxalement l’intimité devient un facile moyen de communication et de mise en contact. La communication synchrone - en temps réel dans les IRC ou asynchrones - par e-mail rajoute un côté attractif.